Marketing et évolution technologique

Rien de grand ne s’est jamais réalisé dans l’histoire sur la base des idées toutes faites, les idées toutes faites sont pratiques ... pour la majorité silencieuse, pour éviter de réfléchir, pour éviter d’affronter le changement. Les idées toutes faites sont le résultat du consensus des médiocres, elles sont entretenues par le marketing et relayées gracieusement par tous les grands moyens modernes de communication. Les idées toutes faites permettent de n’avoir jamais tord, elles s’imposent quasiment avec la force des faits que personne ne se donne plus la peine de vérifier.

Au milieu des années 80 le message médiatique sur les systèmes d’exploitation mettait en avant OS/2, futur standard, système de l’avenir, puis quelques temps après, les gros titres se faisaient sur le duel OS/2 UNIX. "Qui allait sortir vainqueur ?" Angoissante question !
Dans les années 1985-90, le message médiatique s'est centré essentiellement autour d’Unix (je dirais que l’apogée de ce message se situe en 1992 pour la France), une presse spécialisée informatique, qui n’a jamais brillé par sa culture technologique ni par son indépendance intellectuelle vis-à-vis de ses annonceurs, donnait à qui voulait bien la lire l’impression qu’UNIX était le seul système d’exploitation encore en vente au monde.
A partir des années 1995, c’est la même rhétorique, sauf que le mot UNIX a été remplacé par le mot Windows. On voit clairement qui est en mesure d’aligner aujourd’hui les plus gros budgets de «communication ».

Sur ce type de marché, chaque client à un rôle primordial à jouer, il vote par ses achats et sélectionne ainsi les produits. Sa responsabilité de client tient il me semble, dans le fait qu’il doit voter en connaissance de cause et pas sous la pression de l’intimidation marketing. Les risques d’une démission de ce type sont dramatiquement simples : sortir du marché de bons produits et y imposer de mauvais !

Et c’est bien ce qui se passe, je veux en prendre un exemple précis, et pour moi, frappant  : la mise hors marché du réseau local ARCNET (Attached Ressource Computer Network).

Vous vous souvenez d’ARCNET ? Non ? ARCNET est l’un des premiers réseaux locaux apparus sur le marché (DATAPOINT 1976), tout juste après Ethernet. Mais ARCNET a surtout été le premier réseau vraiment moderne, c’est à dire facile de mise en oeuvre, STANDARD et FIABLE. Jusqu’au début  des années 90 ARCNET a représenté la technologie réseau qu’il fallait logiquement employer.

Notons que le protocole d’ARCNET, qui réalise un anneau logique, reste certainement un des protocoles LAN les plus simples et les plus efficaces qui ait jamais été effectivement mis en oeuvre. Il a donc été, logiquement le premier à être intégré sur un mono chip (SMC 9026) avec environ 25000 transistors seulement. Ce monochip a vite été intégré par quasiment tous les fabricants de cartes réseaux ARCNET. Outre les qualités du protocole, ARCNET présentait la possibilité d’être cablé de la façon la plus souple qui soit : étoile distribuée, bus et daisy chain combinables sur tous supports (coax RG62, paires téléphonique, fibre optiques). Enfin, si la version de base d’ARCNET avait une bande passante de 2,5 Mb/s, il ne faut pas oublier que THOMAS CONRAD a toujours fait de l’ARCNET 100 Mb/s (sur tout support) et DATAPOINT a présenté ARCNET+ à 20 Mbs en 1989 (avec augmentation de la taille des paquets, des adresses et autres améliorations du protocole) de plus, il est évident que ce réseau a toujours un potentiel d’évolution important. Bref il y aurait beaucoup à dire sur les qualités technologiques d’ARCNET mais il faudrait rentrer dans trop de détails ici.

Ce qui me frappe dans tout celà c’est :

  • Que malgré toutes ses qualités, ARCNET se soit littéralement fait sortir du marché en à peine 2 ans (92-93).
  • Dans ses belles années, ARCNET a représenté au mieux 25% du marché. Si l’on se rapporte à ce qu’était les réseaux locaux en 84-89 celà signifie que pour le moins 50 % des utilisateurs choisissaient des produits, littéralement de cauchemar (en admettant qu’il restait 25 % d’alternatives sérieuses hors ARCNET ce qui n’est même pas évident).
  • Le fait que tout ceci est à peu près inconnu de l’immense majorité des professionnels de l’informatique, ce qui laisse songeur quand à la culture technologique effective de la profession et à son incapacité à tirer leçon de l’histoire, à une sorte d’amnésie collective, comme si nous étions une profession a-historique, vivant en dehors du temps et ne connaissant que des générations spontanées et instantanées de technologies.
John Murphy ARCNET Chief Architect
Copyright © 2002 ARCNET Trade Association

Car allons nous laisser sortir de la même façon d’autres technologies utiles et efficaces ?
Après ARCnet, Digital Research, ... qui seront les prochains sur la liste ? APPLE ? NOVELL ?


Home  |